Ou Des Aventures de Nounouche aux Maldives
Non, ce blog n'est pas mort, et j'ai toujours autant de choses à (me) raconter. Seulement voilà, le temps passe vite, le travail, c'est prenant, peser le pour et le contre entre un bon boulot et une reprise d'études intéressantes mais aux perspectives d'avenir moins prometteuses, aussi, une rentrée universitaire et se faire des nouveaux copains d'école, pareil...
Et puis il y a aussi les avantages professionnels, comme par exemple un bon ordi, à rendre, tandis que les nouvelles machines mettent du temps à être livrées (des chaînes de production à l'arrêt m'a-t-on dit...)
Et les études, ça occupe, les périodes de fin d'année aussi...
Oulala, mais il s'est passé tout ça ?!?
Alors reprenons. Nous en étions au printemps 2020. Diana et moi profitions du déconfinement, lorsqu'une ou deux semaines après la fin officielle de mes congés (j'étais alors en stand by), une collègue m'appela pour me proposer une mission sauvetage : venir la remplacer.
Problème : le pays est fermé. Ah.
Mais Boskalis gère : "On va affréter un bateau pour y envoyer une méga-équipe de relève (c'est plus facile de gruger en bateau qu'en avion)..." Nickel.
Autre soucis : "Tu peux donc venir, mais sans savoir quand tu pourras rentrer..." Bon.
Ça sera quoi, 5 mois au pire ? J'avais le droit de refuser bien sûr, mais quand on a la chance de pouvoir travailler par les temps qui courent (et que l'aventure a l'air originale) (et qu'on envisage de raccrocher bientôt) (ça serait un finish de toute beauté!) (et que Diana allait reprendre le boulot aussi de son côté)... Bref... let's go !!
Alors autant vous le dire tout de suite, l'histoire est un peu longue, et pas nécessairement intéressante pour tout le monde. Si vous voulez donc passer directement aux photos, c'est ICI.
Pour les autres, ceux qui lisent couramment, qui ont une heure de libre, un café et rien de plus intéressant à faire, je vous propose un petit voyage dans le temps, en partageant une expérience de travail en temps de pandémie.
Mon cas fut loin d'être unique : de nombreux marins se sont retrouvés coincés, sur leur bateau ou à leur domicile, pendant de nombreux mois (une situation plutôt commune autrefois, mais devenue inacceptable depuis la démocratisation du transport aérien - de nos jours, être embarqué plus de 6 semaines est considéré comme long...)
Le voyage
J'ai donc quitté Chambéry le dimanche 31 mai 2020 (avec une belle attestation tamponnée dans tous les sens et de beaux justificatifs car nous n'étions pas totalement déconfinés à l'époque!) en covoit' avec Petit Bichon qui me déposa (après un bon dîner chez Pascale et Corentin) dans un hôtel quasi désert et en service minimum près de Charles De Gaulle.
Le lendemain, je partis aux Pays-Bas me faire tester et me reconfiner dans une autre chambre d'hôtel. Le service y était, une nouvelle fois, minimal : interdiction de sortir de sa chambre + repas constitués de sandwichs déposés sur le palier comme en prison (une prison confortable avec wifi tout de même). Le soir était le meilleur moment de la journée attendu par tous : nous avions droit à un plat chaud, miam-miam ! J'y suis restée 3 jours (il fallait attendre presque 48 heures pour avoir les résultats d'un test PCR à l'époque...)
Le mercredi (date de réouverture des restaus en France!) soir, tout le monde sortit de sa chambre (mais Grand Dieu, je n'étais donc pas seule dans cet hôtel abandonné ?!?) pour prendre des navettes (pas plus de deux passagers par van) pour Schiphol (une ville fantôme), où un vol charter à destination de Prague (plein de carburant) puis Ras al-Khaïmah (un émirat des Émirats Arabes Unis) nous attendait.
Mais qu'y a-t-il donc à RAK ?
Tout simplement plein de chantiers navals privés (des yards). Boskalis en a un, où dorment quelques bateaux et son gros matos. Lorsque les lignes de pompage (flottantes ou terrestres, voir mon album sur le chantier de Mombasa pour un petit cours en images sur la construction d'un polder), les containers, les grosses pompes, les remorqueurs, les godets, etc. sont en stand by (entre deux projets) ou ont besoin de réparation, ils se retrouvent tous ici. Il faut dire que ce centre logistique a une localisation idéale pour expédier le matériel aux quatre coins du monde dès qu'un contrat est signé.
À RAK donc, nous attendait le beau et fier Komodo, un remorqueur habituellement déployé pour des missions de plongée (similaire au DSV Constructor sur lequel j'avais travaillé en 2016) mais qui était disponible et fut affecté au projet des Maldives pour quelques semaines.
Le Komodo |
Pardon... aux Maldives ?
Et oui ! Aux Maldives. Cet archipel paradisiaque perdu dans l'Océan Indien. Boskalis y avait décroché un contrat : une île à créer à côté de Malé, la capitale surpeuplée où chaque mètre carré vaut de l'or. L'idée est donc d'utiliser un lagon immergé comme "base", le couvrir de quelques mètres de sable pour lui faire dépasser le niveau de la mer, faire ainsi apparaître une nouvelle surface exploitable, et ensuite délocaliser les activités portuaires de Malé sur cette nouvelle île.
Une équipe de Boskalis avait donc été envoyée à l'automne 2019 pour mettre en place tout ça. Du sable avait été repéré pas trop loin au nord et une des dragues (les gros aspis comme le Waterway ou le Willem van Oranje) sera mise à disposition.
Tout allait bien jusqu'à ce que deux touristes italiens contaminent des employés d'un resort (ces hôtels souvent paradisiaques qui font la réputation du pays) début mars. La maladie s'est alors répandue comme une traînée de poudre et un confinement généralisé fut déclaré le 15 avril.
L'équipe boka, qui avait senti le vent tourner, s'était vu offerte quelques jours plus tôt la possibilité d'un rapatriement. Un petit malin rentra en Hollande fissa fissa (il n'était parti qu'avec quelques semaines de son traitement médical introuvable à Malé) tandis que les autres préférèrent tenir le fort, sans vraiment savoir pour combien de temps...
Mais on a beau aimer son métier et travailler pour la gloire, 5 mois confinés et surtout sans savoir quand le pays sera ré-ouvert, les transports rétablis, la relève disponible... c'est long et angoissant.
D'où la mission de secours organisée en interne (la réouverture de l'aéroport étant impossible à prévoir) : tout le monde se retrouve à RAK, on grimpe sur le Komodo et hop! c'est parti pour une croisière sur la Mer d'Arabie.
Aaaaah l'Arabie, le charme du désert, le détroit d'Ormuz, Goa, la côte de Malabar... ça fait rêver, non ?!?
Alors laissez-moi vous décrire le contexte : arrivés à RAK au petit matin (après une "nuit" masquée avec interdiction de se lever dans un avion moyen-courrier monocouloir bordé de 2 rangées de 3 sièges sans écran), nous sommes accueillis par le représentant local de Boskalis puis re-testés (sans ménagement aucun, mon nez est resté douloureux pendant plusieurs jours) avant d'être invités à patienter dans des mini-bus, nos valises empilées autant que faire se peut (une vraie colonie de vacances).
Transférés vers les douanes (pour l'entrée dans le pays), nous repatientons dans les bus avant d'être contraints à descendre. Quelques valises sont contrôlées, les visas de transit validés, puis revérifiés, puis revalidés, puis recontestés, puis renégociés...
Enfin, le transfert vers le yard de Boskalis est approuvé ! Au bout d'une petite demi-heure, le mini-bus est à nouveau arrêté. Il s'agit maintenant de passer les douanes pour quitter le pays. Les valises sont recheckées. Énième attente. Il fait (très) chaud et poussiéreux. Le manque de sommeil commence à se faire sentir.
Enfin, lorsque tous les feux sont au vert pour embarquer sur le Komodo, il est environ 16 heures. Nous sommes accueillis par l'équipage (eux-aussi coincés, depuis plusieurs mois déjà, et sans aucun espoir de rentrer chez eux dans un futur proche, leurs pays - les Philippines et la Russie - étant eux aussi fermés...)
Après une rapide présentation du bateau et la répartition des cabines (seule fille, je suis privilégiée et dispose de ma propre chambre avec douche mais une clim' bloquée à 15 degrés... glaglagla!), la corne de brume se fait entendre...
Nous quittâmes RAK le jeudi 4 juin vers 18 heures, pour soi-disant 5 ou 6 jours de navigation. C'était sans compter sur une sacrée tempête qui nous obligea à longer les côtes indiennes (au lieu de prendre un cap direct et "couper tout droit"). Résultat : nous aperçûmes Malé le 13 juin.
Ça n'était donc pas 5 jours (ce que m'avait promis ma collègue Cicilia au téléphone mi-mai) mais bien 8 bien tassés. Je vous avais déjà dit que je suis sujette au mal de mer, non ? Donc exit la lecture, la salle de sport, les films et autres loisirs... ou du moins chaque activité ne pouvait jamais durer très longtemps.
Imaginez-vous avec un léger mal de tête permanent doublé d'envies furtives de vomir, mais en fait non, d'une sensation de faim, finalement repoussée par l'odeur de la cuisine (pourtant bien tenue), d'un désir grandissant de s'allonger (au froid) dans ma cabine, mais cela coûtera le prix fort : être secouée comme un prunier à cause des mouvements du bateau (curieusement, on ne dort pas dans un grand huit...)
Envie de me sociabiliser avec mes futurs collègues ? Pourquoi pas ! Seulement, le mal de mer n'est pas seulement physique, mais aussi, voire surtout, psychique. En d'autres termes, je n'étais clairement pas disposée à de longues conversations. Et le premier à me suggérer d'être heureuse d'aller travailler après presque 8 semaines à la maison, ou encore à me demander comment je comptais organiser mon boulot entre le bureau à Malé et le site du chantier à Gulhifalhu, se serait pris un cinglant (les deux personnages illustrent tout-à-fait mon ressenti, le mal de mer rendant aussi bipolaire) :
Mes journées étaient donc rythmées par quelques messages WhatsApp (nous avions un poil de connexion via un système satellitaire), un peu de sport pendant les accalmies, beaucoup d'épisodes (entrecoupés car fixer un écran plus de 30 minutes consécutives relevait du challenge) d'Avenida Brasil, les repas (LES grands moments de la journée), et l'envoi de notre position à Cicilia chaque matin pour maintenir le moral de la troupe maldivienne. C'est tout.
Plus nous naviguions, plus je commençais à douter de ma légitimité à reprendre le flambeau du département survey : entre Cicilia usée, lassée, confinée et travaillant depuis 4 ou 5 mois, et moi qui ne dormait plus vraiment depuis 9 nuits, il ne serait sûrement pas si simple d'établir laquelle d'entre nous serait la plus à même de travailler efficacement...
Primo : nous n'étions qu'une bande de pirates. Le pays était fermé. Pour tous. Et ça n'était pas parce que des petits malins hollandais pouvaient feinter les aéroports avec leurs bateaux qu'ils avaient plus le droit d'être là.
Secundo : même si notre client est le ministère des infrastructures et avait négocié une sorte de passe-droit auprès de son homologue de l'immigration, dédouaner un bateau-pirate, ça prend au moins 24 heures.
Le débarquement officiel de la relève pirate sur Gulhifalhu, notre île, celle que Boskalis avait commencé à faire surgir des eaux transparentes du lagon quelques semaines plus tôt, eut lieu le dimanche 14 juin 2020.
Nous fûmes accueillis avec une joie incommensurable par l'équipe en place depuis l'ère pré-Covid et la relève ultra-urgente arrivée avec le Fairway (un des plus gros aspis de Boskalis) deux semaines plus tôt.
La passation de pouvoir pouvait enfin commencer (on notera mon début de travail effectif plus de deux semaines après avoir quitté la maison ; cette crise a considérablement modifié le rapport au temps).
Ce dimanche-là, le Fairway pompa pour la première fois (un moment clé sur un chantier de ce type).
Mais attention : débarquer à Gulhifalhu, "notre" île, sans le dire à personne, était facile. Seulement, officiellement, les Maldives étaient confinées, et les déplacements inter-île interdits. Il fallut donc encore remuer ciel et terre aux ministères pour l'organisation d'un deuxième débarquement : celui des "cadres" à Malé (là où se trouvait le bureau). Celui-ci eut lieu trois jours plus tard.
L'équipe se divisa alors en deux :
- D'un côté, l'équipe isolée qui travaillait sur le chantier et dormait soit sur le Komodo, soit dans un hôtel de Vilingili (une île voisine), trois zones sans covid (covid-free)
- De l'autre, le personnel invité à rejoindre une Malé infectée pour travailler confiné depuis le bureau ; j'ai nommé les directeurs de projet, chiefs surveyors, comptables et responsable HSE (hygiène - sécurité - environnement)
Les conséquences n'étaient pas anodines et impliquaient un contact extrêmement limité (seulement si nécessaire à l'avancement du projet) entre les membres de deux équipes "adverses", afin que les maléens ne contaminent pas les autres :
Un hôtel-resort sur une île rurale sans voiture mais donnant sur le quai (devenu très bruyant une fois la liaison maritime avec Malé - toute proche - rétablie)
vs
Un immeuble résidentiel avec un appart au 7e et le bureau au 9e
La possibilité de marcher et de prendre l'air tous les jours toute la journée
vs
Monter ou descendre les escaliers de l'immeuble en respirant un air conditionné
vs
La possibilité de faire ses courses selon ses propres envies de temps en temps
vs
vs
Une gestion libre de son temps (pauses-pipi sur ses propres toilettes et la possibilité enthousiasmante de travailler au bureau jusqu'à 22 heures sans soucis)
vs
5.5 km pour le tour de Malé (possible une fois le confinement terminé et en respectant un couvre-feu)
Quoi qu'il en soit, ça n'était pas à la carte. Vous aurez donc pressenti que j'eus la chance de connaître Malé et ne pus me rendre à Gulhifalhu qu'une petite dizaine de fois jusqu'à mon départ le 16 août.
La bulle maléenne
Seulement, notre arrivée ne rima pas avec libération pour les insulaires. Le pays étant toujours fermé, il leur fallut attendre un vol officiel de rapatriement vers l'Europe, orchestré par les autorités gouvernementales via le Sri Lanka et Londres, pour pouvoir quitter ce petit coin de paradis.
Les deux équipes ont donc cohabité pendant une bonne semaine, ce qui rendit plus confortable la transmission d'informations mais donna également lieu à des dialogues impromptus : les insulaires souhaitaient rentrer chez eux pour "vivre" tandis que la relève pirate, désabusée, savait que ce "vivre chez eux" avait changé et impliquait dorénavant quarantaines, tests PCR, port du masque, restrictions (à tous niveaux : déplacements, offres des commerces, activités possibles, jauges...), une presse monothématique rabâchant chaque minute les mêmes données, un climat de crainte pesant, une situation sociale qui s'effondre sous nos yeux... bref, rien de bien enthousiasmant pour de véritables vacances.
Une dure alternative se profilait pour les pirates : devions-nous briser des rêves ou faire confiance à la pédagogie de l'erreur ? Personnellement, quand je m'apprête à servir un plat de croziflette sans l'avoir sorti du four moi-même, j'aime bien qu'on me prévienne qu'il soit brûlant. J'ai l'impression qu'on ne veut que je me brûle (c'est plutôt sympa et attentionné), mais aussi d'être prise pour une quiche... Alors, on froisse ou on attend ?
Team Insulaire
"L'escale à Londres était horrible, tout était fermé, Heathrow était une ville phantôme, c'était hyper angoissant, on s'est retrouvés à manger un Burger King assis par terre dans le lobby d'un hôtel d'aéroport désert..."
Team Pirate
"Euh... vous vous attendiez à quoi ? On a fait la même chose pour venir ici. Certains l'ont même fait deux fois : rapatriement d'un ancien projet pour raison sanitaire + redéploiement vers un nouveau projet dans des conditions similaires + une bonne partie du repos entre les 2 missions en confinement + bonus : 9 jours de vomi !"
(avis journalistique non-biaisé)
Clairement, le monde avait changé. Les insulaires semblaient avoir été en quelque sorte "protégés" par une bulle (une bulle-prison, certes, mais une bulle-protectrice malgré tout) maléenne en pensant que la quitter leur rendrait leur vie d'avant. Les pirates semblaient de leur côté avoir compris que cette vie d'avant ne reviendrait pas avant... longtemps.
La bulle maléenne vue par...
...les insulaires rêveurs |
...les pirates désabusés |
Chacun pensait que ce qu'il avait vécu était pire que ce qui l'attendait. Et personne ne se rendait vraiment compte du temps que cela prendrait (bon... 7 mois plus tard, en janvier 2021, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés...) pour retravailler "comme avant". Ce dont nous étions certains, c'est que les quarantaines liées aux voyages avaient des conséquences organisationnelles fortes sur nos métiers :
Partir travailler un jour J,
impliquait ne pouvoir commencer à véritablement travailler qu'au bout d'une quarantaine de 14 jours, soit à J + 2 semaines.
Dans de nombreux pays, une quarantaine de 2 semaines sera préconisée ou obligatoire. Les "vraies" vacances pourront donc enfin commencer, à J + 10 semaines depuis votre dernier départ, et à J - 2 semaines du prochain.
Dommage, avant de voyager, une semaine d'autoconfinement est obligatoire (politique interne de l'entreprise).
Profitez donc bien de ces 7 jours de congé, calés entre 2 blocs de 10 semaines contraintes (de boulot en théorie...)
Et quand bien même cela ne poserait pas de problème au travailleur (je connais certains spécimens qui vivent de leur boulot et enchaînent des rotations bien plus longues par choix et amour du dragage), comment dédommager ? L'employé doit-il sacrifier ses congés-payés ? L'employeur doit-il prendre en charge les quarantaines ("après tout, le mec est chez lui et voit ses mômes, c'est pas mal quand même..." dirait sûrement Jeff) ?
Boskalis compta sur le volontarisme de ses troupes et fit tourner la planche à billets (en serrant les fesses pour que la situation ne s'éternise pas). Chaque projet est traité au cas par cas et une équipe spécialisée fut montée pour organiser les transferts de personnel.
Bien sûr qu'il y a pire, et que ce rythme reste sûrement bien meilleur que les conditions d'emploi de beaucoup d'esclavesindiens au Moyen-Orient.
Mais la thérapie du "ça pourrait être pire" ne m'a jamais vraiment satisfaite. Selon moi, trop de relativité pousse à l'acceptation puis à la passivité.
Si on avait dit à Gandhi "Laisse tomber le sel dude, contente-toi du curry", l'Inde serait peut-être encore britannique (et le Royaume-Uni n'aurait probablement jamais intégré l'UE).
Bref. Lorsque les insulaires réalisèrent que leurs congés se résumeraient à des quarantaines et des apéros à la maison (et non à Curaçao), et que les pirates comprirent rapidement que leur travail aux Maldives serait du boulot-dodo sans aucune bière fraîche pour décompresser certains soirs, les perspectives d'avenir se révélèrent particulièrement maussades...
La carotte
Les pirates avaient cependant un élément de motivation non-négligeable : la bière promise.
Mais il faut avant-tout réaliser que les Maldives forment un pays musulman et que l'islam est la religion d'État. Autrement dit, un maldivien a autant de chance d'intégrer le mot laïcité qu'un breton la locution beurre doux. En fait, pour avoir un passeport maldivien, il faut tout simplement être musulman.
Même si ce manque de liberté individuelle est affligeant et dramatique pour les locaux, l'objet de ce commentaire porte sur les conséquences (bien plus légères) pour les occidentaux travaillant à Malé : un sommeil léger entrecoupé d'appels à la prière et une absence totale d'alcool aux menus.
Outre un soulagement inattendu pour mon foie (qui se remettait doucement d'un confinement arrosé), cette dernière répercussion eut un effet "carotte" particulièrement efficace :
- "Le 1er juillet, le bar de l'aéroport (seul bar de Malé autorisé à vendre de l'alcool) rouvrira et nous irons tous y boire un coup pour fêter notre premier mois d'aventure..."[à mon départ en août, ce bar était toujours fermé]
[le Hard Rock Hotel n'ouvrit son bar-restaurant que pour ses résidents et n'autorisa aucun visiteur en provenance de Malé]
[pas très très vrai]
- ...
Notre seul espoir résidait, encore une fois, en une solution interne : les canettes
de San Miguel du Fairway, qui en délivra un petit stock clandestinement
sur Gulhifalhu un soir de barbecue (évènement totalement illégal organisé par les chefs de chantier pour
remercier des pauvres bougres touchés par la grâce : après plusieurs mois
à manger du sable, ils venaient de recevoir un billet d'avion pour
rentrer chez eux...)
Ma vie à Malé
Malé est une ville surprenante improbable. En fait, vues de loin, les Maldives sont improbables. Il faut zoomer à l'infini pour arriver à enfin les apercevoir sur une carte :
On parle de 500.000 personnes réparties sur 200 des 1.200 îles d'un archipel de l'Océan Indien.
Ancien protectorat britannique d'Asie du Sud, les Maldives acquièrent leur indépendance en 1965.
Les maldiviens parlent le dhiveli, une langue indo-aryenne à l'alphabet particulier, le thanaa, dont nous connaissons tous un mot : atoll.
La capitale Malé est une des villes les plus densément peuplées au monde.
Chaque recoin est construit. Tout y est minuscule : les rue(lle)s, les
immeubles (hauts mais très étroits), les ascenseurs (des monte-charges),
les portes... les maldiviens eux-mêmes en fait (ce qui explique la taille des portes du coup).
Les paradoxes
- L'île principale de la ville de Malé mesure 2 km de long pour 1 km de large. Des distances parfaites à parcourir à pied. La pollution de l'air et la superficie limitée sont des préoccupations majeures. Pourquoi cette invasion de scooters ?
- Tout est importé (sauf le poisson évidemment).
- 90 % des recettes fiscales de l'État et le quart du PIB viennent du tourisme. Sacré déséquilibre et dépendance tragique que la pandémie a cruellement rappelés.
- Un paradis certes, mais touristique seulement.
Et maintenant ?
Les aberrations de cette période, comme :
- L'angoisse permanente de savoir si, et si oui, quand la relève viendra
Les obstacles sont en effet très nombreux :
1. trouver le collègue volontaire,
2. qui aura un PCR négatif,
3. un vol maintenu,
4. un visa correct (cf. notre balle de ping-pong aux 1000 airmiles Josco),
5. puis réciproquement, avoir son propre vol maintenu,
6. un RDV disponible pour un test PCR dans les 72 heures qui précèdent le départ,
7. ce test PCR négatif,
8. son visa de marin/pirate tacitement accepté par un officier d'immigration gentil et compréhensif en droit de nous inviter à prolonger notre séjour en cellule
[ autant vous dire que j'ai commencé à me détendre qu'une fois assise dans mon Ouibus ]
- Une passion soudaine pour le FLE à Jacob
- Rêver d'aller au ciné
- ...
...sont à se raconter de vive voix dès que l'Arbre à Bières réouvrira.
J'espère que vous êtes toujours réveillé.e.s et vous laisse en compagnie de quelques photos pour illustrer tout ça. Elles sont commentées (si les explications ne sont pas visibles, cliquez sur le i entouré en haut à droite).
Bon voyage !
>>> ALBUM ICI <<< |
Sources images
https://www.dehokseberg.nl/wp-content/uploads/2015/01/needyou.pnghttp://petitemimine.centerblog.net/rub-gifs-texte-expression-petits-mots-2--9.html
http://fr.web.img3.acsta.net/medias/nmedia/18/35/08/28/affiche.jpg
https://www.trailandhitch.com/shiny-bubbles-insulating-your-trailer-with-radiant-barriers/
http://blog.maldivescomplete.com/wp-content/uploads/979ac4d4b69f_A3DC/Finolhu---bubble-deck.jpg
http://chapitre.com/chapitre/fr/book/royer-alain-baudry-emmanuel/jojo-lapin-et-la-cartte-magique,652188.aspx
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