02 avril 2016

Anne-Marthe Hydrographe IX

ou Nounouche en Mer du Nord ou De l'Incroyable Vie des Plongeurs en Saturation

Tout a commencé par deux fausses annonces, qui avaient toutes deux l'air super-intéressantes. La première, reçue avant même de quitter le Sénégal me préparait à un retour à bord du Ndeavor (que vous connaissez bien maintenant: ici, ici et ) pour installer un câble (enfin une éventuelle consécration aux yeux de Tonton ?!?) La deuxième consistait à enterrer une épave au large de Fortaleza afin d'éliminer ce nouveau haut-fond apparu suite au naufrage. Finalement, c'est en Baie Allemande que je me suis retrouvée...




Je suis à bord du DSV Constructor, un de nos bateaux qui habituellement sert de base aux opérations de plongée en saturation (vous avez sûrement déjà entendu parler de ces plongeurs payés 1000 euros par jour, qui vivent pendant plusieurs semaines sous la pression à laquelle ils iront faire leurs soudures sur les structures pétrolières).

Mais cette fois-ci, pas de plongeurs à bord (on le sent, l'équipage est relax), seulement un ROV (un véhicule sous-marin téléguidé, un peu comme celui qui a exploré le Titanic) chargé de contrôler des anomalies magnétiques repérées lors d'un précédent levé.


Ce que vous croyez que je fais

Nous travaillons sur le site du champ d'éoliennes Veja Mate, encore en construction, et notre client veut être certain que ces anomalies ne soient pas des bombes prêtent à sauter si une éolienne venait à être posée dessus. Au vu des sommes engagées et de la quantité inimaginable d'explosifs largués et non encore explosés (dénommés UXO pour UneXploded Ordnance) au cours de la dernière guerre mondiale, on comprendra l'intérêt de la mission.

Malheureusement (pour ma curiosité personnelle), je n'ai pas encore eu droit à un seul UXO. Jusqu'à présent, on a trouvé que des bouts de ferraille sans grand intérêt, des câbles, des enceintes (véridique), une chaussure (de sécurité, d'où le magnétisme), des tuyaux, des chaînes, des radiateurs... Pas encore de vrai déminage !! Mais une destruction d'UXOs (repérés il y a plusieurs semaines par un autre bateau, nous sommes plusieurs à sillonner Veja Mate en long, en large et en travers) est prévue aux alentours du 4 avril, alors préparez les boules Quies ! ;)


Ce que je fais vraiment

Voilà, c'est fini. Génial cet article, n'est-ce pas ? Captivant je dirais même. Dans le genre: Anne-Marthe n'a rien à dire, il est pas mal. Mais je pense tout de même avoir quelques infos de derrière les fagots (comme dirait une super prof de philo du QG Des Moulins) qui pourraient vous intéresser:


1) Avis aux Utilisateurs de Salles de Sport

C'est encore mieux quand le tapis roulant est en Mer du Nord ! Car lorsque le bateau roule (parfois beaucoup), les accélérations-décélérations combinées à des petits sauts de côtés sont obligatoires afin d'éviter la chute garantie et certainement très douloureuse qu'on imagine... Rien de mieux pour faire un peu de cardio tout en travaillant ses réflexes (les multitâches sauront même profiter du moment pour se mettre à jour des premières saisons de Gossip Girl)


2) Avis à Greenpeace

Nous avons interrompu nos opérations de déminage pour prêter assistance aux Bateaux-Poseurs-De-Bulles-Et-Sauveurs-de-Dauphins. Oui oui, des bateaux qui installent un rideau de bulles d'air, dans l'eau, afin d'isoler les nuisances sonores telles une explosion (déclenchée par exemple lors de la destruction d'UXOs) ou le battage de pieux (lors de la pose d'une éolienne).

Comment fait-on ? Un bateau tourne autour de la future source sonore tout en déroulant un tuyau derrière lui. Le tuyau est percé en son long par des centaines de trous. Une fois déposé sur le fond marin et bien disposé autour de la source,  ledit tuyau est alimenté en air sous pression. Le rideau de bulles correspond à cet air s'échappant des trous et remontant à la surface.

En général, on pose 3 rideaux pour protéger un site d'une explosion. Le boulot du Constructor est alors d'utiliser le ROV pour trouver le tuyau et le suivre afin de s'assurer qu'il ait été déposé correctement et au bon endroit. Autant vous le dire tout de suite, les mecs ne sont pas encore au point car à l'heure où j'écris ces lignes, il y a autant de nœuds, de boucles et de croisements que sur les lacets d'un élève de CP...

Le ROV inspecte un tuyau à bulles (sans bulle pour l'instant)
L'étoile mer est en prime !!


3) Avis à Mes Amis Plongeurs

Petit résumé d'une visite passionnante de mon propre bateau. Mon guide: Chris, un ex-plongeur en saturation écossais, actuellement responsable des installations de plongée du Constructor.

Outre les incroyables histoires qu'il a vécues (comme le sauvetage inattendu d'un mec coincé pendant 3 jours dans un remorqueur retourné par 50 mètres de fond, j'ai la vidéo !!), il m'a expliqué le rôle primordial des techniciens (gérer le mélange des gaz injectés dans les compartiments des plongeurs, car l'atmosphère telle que nous la connaissons n'est pas respirable à 10 bars) tout en me faisant découvrir les chambres des plongeurs et quelques petits gestes complètement insoupçonnés de leur vie quotidienne (tels que leur faire parvenir les repas par un petit sas spécialement conçu pour ça :)

Chris a souligné que les conditions de travail en Mer du Nord sont optimales. Les "chambres" sont même connectées à un véhicule d'évacuation d'urgence capable de maintenir la pression et le mélange gazeux nécessaires à la survie des plongeurs au cas où le bateau doit être évacué (une décompression dure plusieurs jours). Ça paraît super bien pensé, mais un brin ironique, car combien de temps prendrait une telle évacuation face aux quelques minutes que dure un naufrage catastrophique ? Le pire est malheureusement déjà arrivé...

Ma conclusion: IM-PRES-SION-NANT !! Tout comme le niveau de confiance absolue des plongeurs envers l'équipe logistique à bord du bateau.


Le métier le plus taré au monde !!


Et maintenant, trêve de bavardage, et place aux PHOTOS (n'hésitez pas à re-visiter l'ALBUM de temps en temps, car il se complétera au fur et à mesure...)