11 septembre 2015

Anne-Marthe Hydrographe VIII (la suite)

Après un retard inégalé jusqu'à ce jour, voici quelques anecdotes de mes aventures africaines.

Tout a commencé fin juin. Après quelques jours en Hollande pour un (très léger) briefing, me voilà sur le vol Air France Paris-Dakar, à écouter un message peu commun de notre commandant de bord:
"Mesdames et messieurs, bonjour. Quelques informations sur notre vol. La température extérieure, ici sur la plateforme de Roissy, est actuellement de 37 degrés. Une fois n'est pas coutume, nous atterrirons au frais à Dakar, d'ici 6 heures, par une température extérieure de 22 degrés..."

Mes premiers jours au Sénégal furent consacrés à l'installation de notre équipement sur le Runner (mon nouveau bateau de survey) et à la recherche de la moindre information géodésique concernant Carabane (notre site de chantier). Résultat des courses: aucune info disponible, la dernière campagne hydrographique du Fleuve Casamance (effectuée par nos amis du SHOM) datant des années 60. Ça sera donc en mode freestyle que nous établirons nos cartes.

Puis l'aventure Casamançaise commença. Et pour tout le monde, expats comme locaux: notre chauffeur Seck, un dakarois pure souche qui n'avait jamais mis les pieds en Casamance, me fait mourir de rire lorsqu'il décrit ses journées, car il semblerait que le choc culturel l'affecte encore plus que nous. Un choc probablement semblable à celui que vit le parigot n'ayant jamais mis les pieds au delà de la zone 5 et obligé à traire une vache en Maurienne. Puissance 10.

En parlant de vaches, il est vrai qu'en Casamance, la route leur appartient beaucoup plus. Mais elles la partagent bien entendu. Avec chiens, chèvres, cochons (les plus courants) mais aussi ânes, canards, oies, poules, écureuils, singes, chats, ainsi que tous leurs bébés. Et parfois avec les piétons humains qui vont travailler aux champs ou font leur footing journalier (oui oui, de sacrés sportifs ces casamançais, avec pompes, abdos et tout et tout!!). Les voitures ne font pas vraiment partie de la liste.

Il est aussi vrai qu'à la moindre pluie, des quartiers entiers de Ziguinchor s’inondent, ce qui n'empêche aucunement les enfants de continuer à jouer au foot (enfin, ça ressemble plus à du water-polo) et leurs mères de poursuivre leurs activités quotidiennes, même si l'eau leur arrive aux cuisses. Mais sous ces images marrantes se cache une histoire tordue de décisions politiques surprenantes: le port de Carabane, qui semble parfois bien inutile, a coûté des millions; pour autant, la plus grande ville de la région de dispose pas d'un système collectif d'évacuation des eaux...

Il est aussi certain que de part sa position géographique, la Casamance est très enclavée: la Gambie au Nord, la Guinée Bissao au Sud, la brousse à l'Est, et des zones supposées dangereuses partout autour des grands axes routiers (entre autres à cause des mines posées lors de la rébellion des années 80). Du coup, Dakar semble bien loin...

Mais ce qui tracasse le plus notre ami Seck, ce sont les coutumes locales. Une majorité de casamançais est dans le fond bien plus animiste que musulmane, voire chrétienne, comme elle devrait l'être. La fermeture quotidienne de midi (en pratique 11h45) à 15 heures (en pratique 15h15 voire 16h) est aussi quelque chose qui le dépasse. De même que supplier les seuls plombier et électricien de la ville de venir travailler dans notre maison alors qu'à Dakar, la centaine d'artisans disponibles se battrait pour prendre un chantier Boskalis. Et je crois que courser les artisans la moitié de la journée pour finalement obtenir un travail effectif d'une heure par jour joue sur ses nerfs. De même que s'entendre dire:
"Tu viens du Sénégal, toi, ça se voit..."
Certes. Car en Casamance, Dakar = Sénégal, et Ziguinchor = Casamance. Aussi voir la tête de Seck lorsque notre gardien Edouard, un carabanais pure souche, lui dit que Ziguinchor (le trou du c** du monde pour Seck, vous l'aurez compris) est bien trop grand et bien trop bruyant, vaut le spectacle. Bref, il y aurait de quoi en écrire des tartines... ;)

Enfin, après 2 mois de travail relativement poussé et particulièrement prenant (d'où mon impossibilité d'écrire cet article plus tôt), l'heure de mon retour vers les terres incas sonna.

Et une fois de plus, le temps de trajet porte-à-porte a atteint un nouveau record:

- 27 Août, 15h: contrôles avant embarquement sur le ferry (aucun vol local Zig-Dakar disponible)
- 28 août, 7h: bagage récupéré en gare maritime de Dakar
- 28 août, 8h: arrivée hôtel Dakar. Internet. Skype. Épilation. Massage. Restau surfeur sur la Corniche :D
- 28 août, 19h: enregistrement aéroport Dakar
- 28 août, 22h: décollage pour Bruxelles
- 29 août, 6h (4h au Sénégal): shopping Chocolats Belges
- 29 août, 8h (10h au Sénégal): décollage pour Amsterdam
- 29 août, 9h (11h au Sénégal): shopping Écouteurs Bose
- 29 août, 10h (12h au Sénégal): décollage pour Guayaquil
- 29 août, 20h (30 août, 1h au Sénégal): arrivée Guayaquil, je retrouve Diana et renoue avec les pains de yuca
- 29 août, 22h (30 août, 3h au Sénégal): départ du bus pour Loja
- 30 août, 6h (11h au Sénégal): départ du bus pour Vilcabamba
- 30 août, 8h (13h au Sénégal): arrivée dans la famille de Diana. Douche. Dodo. Zzzzzzzzzzzzzzzzzzz.

Soit au total
1 nuit en ferry + 1 nuit en avion + 1 nuit en bus = 70 heures de voyage
pour ce qui aurait pu être une simple traversée atlantico-amazonienne ;)



Les bonus

1. Les meilleures images de nos dauphins-cartographes sont dans cette vidéo, que j'avais faite pour mes collègues au bureau en Hollande:



2. Et mon album photo bien sûr !!